Les médias ont plutôt bien rempli leurs missions pendant la crise, sauf sur la chloroquine
Edition n°5 - 21 juillet 2020 - Bonnes pratiques, usages, tendances, business, outils...
▶️ FOCUS : Les médias ont plutôt bien informé durant la crise sanitaire, mais ils manquent de savoir-faire scientifique
C’est en somme la conclusion de l’enquête d’Aude Dassonville, du journal Le Monde.
“La presse a bien travaillé” estime Alexis Lévrier, spécialiste de l’histoire du journalisme. Ce, “en dépit de conditions difficiles, et même si elle aime bien battre sa coulpe et les gens la critiquer”.
Elle a rempli “ses trois fonctions” : “pratique”, car elle a “donné les informations sanitaires nécessaires” ; “de proximité”, “notamment en ouvrant ses antennes aux auditeurs et téléspectateurs” ; “critique” car “la parole officielle a très vite été remise en question”. En témoigne l’article sur Agnès Buzyn paru dans Le Monde du 17 mars, dans lequel l’ancienne ministre de la santé pointait les manquements de l’exécutif.
👉 On retrouve un peu trois des 4P que je distingue dans les missions essentielles dévolues aux médias (pratique, partage, pensée auquel j’ajoute le plaisir).
👉 Les médias ont ont en effet déployé une grande énergie pour proposer des formats utiles et créatifs
Etonnante et amusante découverte de cette enquête : les similitudes entre les emballements provoqués par la grippe espagnole de 1918 et ceux du Covid-19.
Nejma Omari, enseignante à l’université Paul-Valéry de Montpellier, décrit notamment les mêmes réticences des Français à porter le masque pour des raisons esthétiques et l’irruption d’un médicament miracle nommé quinine.
👉 Lire son excellent thread sur Twitter
En revanche, certains journalistes regrettent le manque de prudence dont ils ont fait preuve certains journalistes et médias, ce que je déplorais moi-même.
Pour Yves Sciama, journaliste scientifique et président de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI) :
“Des gens d’habitude pondérés ont perdu, non pas la raison, mais au moins la prudence, en soutenant des thèses avant qu’elles soient suffisamment documentées.”
Interrogé également par la revue de l’INA, il pointe aussi du doigt le manque de connaissance scientifique au sein des rédactions :
Il y a une “différence notable dans la qualité du traitement des sujets” entre les journalistes dits “scientifiques” et les autres. “Le travail des journalistes est de filtrer l'info, d'éliminer ce qui est manifestement erroné, voire dangereux, explique-t-il. Nous le devons à nos lecteurs, qui ont moins d'outils pour distinguer la bonne information de la mauvaise. Et notre valeur ajoutée à nous, c'est qu'on a la culture, les démarches, les réflexes pour leur fournir quelque chose de qualité. “
A l’origine de ces emballements, il ne faut pas sous-estimer non plus l’importance des chaînes d’information en temps réel, dont la temporalité, aux antipodes du temps long de la recherche, favorise les erreurs et la confusion générale.
👉 Malgré la crise de la Covid-19, l’avenir du journalisme scientifique ne s’éclaircit pas
👉 Accélération de l’info, course à l’audience… comment l’infobésité nous a intoxiqués
▶️ 3 liens incontournables de la semaine
Comment The Atlantic bascule ses évènements (20% de ses revenus) sur le web
Compense le prix plus faible par le volume d'inscrits
Maintient l'interaction et le réseautage clés par des tables rondes de 20 personnes maximum, ou dans des “salles virtuelles” plus
👉 Certains vont jusqu’à recréer l’ambiance de Second Life grâce à des plateforme virtuelles.
Incarner l’ADN d’un journal tout en suscitant le débat d’idées : le difficile équilibre des « tribunes ». D’autant que la pression militante est forte sur les réseaux sociaux pour étouffer les points de vue opposés.
Mathieu Lehot a publié un intéressant thread sur les difficultés économiques de la presse depuis les années 2000. Un constat : ceux qui s’en sortent le mieux sont les journaux qui ont une forte base d’abonnés, comme La Croix ou L’Humanité.
En revanche, la gratuité des contenus diffusés sur Internet n’explique pas principalement les difficultés de la presse. Comme le note justement Cédric Motte, la tendance à la baisse avait débuté dès 1968 avec notamment la concurrence télé, et l’irruption des gratuits. Internet, au pire, a accentué dans un premier temps une tendance initiale. Aujourd’hui c’est surtout le principal vecteur des abonnements numériques.
▶️ En bref, dans les médias
The Guardian annonce 180 suppressions de postes, dont 70 dans l’éditorial, soit 12% des effectifs. Les revenus du quotidien anglais ont chuté de plus de 25 millions £ (pub, événementiel, diffusion print) en raison de la crise du Covid19. L’édition du samedi va être particulièrement touchée, ainsi que les rubriques “sport” et “lifestyle”. La note interne laisse entendre un changement de modèle vers l’abonnement et le passage au “véritable digital first”.
@BingeAudioFr a interrogé le coeur de son audience la plus engagée.
👉 Celle-ci est féminine, urbaine, jeune (-de 35 ans), plutôt CSP+ et intello.
👉 L'écoute se fait d'abord à domicile (en faisant le ménage) puis ENSUITE ds les transports (en serait-il autrement pour 1 public masculin ?) 😇Apple News ajoute de l’audio et un podcast quotidien à son application mobile. L’objectif est de renforcer l’attractivité de son abonnement payant. Une concurrence sérieuse à la fois pour la presse et les radios comme l’explique bien La chaine Audio
🎁 BONUS : tout comprendre des podcasts
Ground Control organise l’été du podcast, une série de conférences en ligne gratuites. Engouement pour la fiction sonore, développement personnel, exploration de l’intime, éducation des enfants… les formats les plus populaires seront expliqués et analysés par des experts-producteurs.
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A la semaine prochaine !